Moi, Certamen, Lecteur de la Papesse, Bibliophile des Niveaux Secrets & Incunables, et Hermétécaire du Codex Bienveillant de la Sapience, couche ici sur le papier le contenu de quelques réflexions et angoisses d'un Nephilim à l'aube de l'Apocalypse...
Ma quête de Sapience est une suite de périls et de dangers sans nom. J'ai risqué ma vie au combat de soldats Templiers, parfois soutenus par les Homoncules de leurs Mages, découvert la peur et la haine au contact de Mystes dépositaires de rituels oubliés et d'artefacts immémoriaux, affronté impuissant l'étrange magie des initiés Rose+Croix, sans doute croisé de mystérieux émissaires Synarques. J'ai même sacrifié mon Ka à l'appétit vorace des Daïmons et exposé mon âme aux sombres desseins Sélenims.
Un cancer de Lune Noire s'attaque à mon pentacle. Nous sommes en l'an de disgrâce mil neuf cent quatre vingt seize.
Le BATON
Le nid templier est dangereux en tant qu'organisation. Sa force majeure est d'une part d'occuper les postes de pouvoirs, et d'autre part de disposer de moyens humains et matériels conséquents. Comparativement, il nous faut plusieurs arcanes pour leur tenir tête sur ces seuls terrains décisionnels et logistiques. Enfin, dans un modèle structurel de type pyramidal, il est clair que leur nombre les avantage. Je sais leurs bases larges en termes d'effectif et leurs membres par ailleurs très disciplinés. Ce potentiel leur sera sans doute d'un grand secours dans la réalisation du Plan. Leur pouvoir est d'ordre temporel.
Les Templiers aiment l'ordre et la hiérarchie, mais les Hommes sont faibles et, à l'image de ce qu'établit la théorie des jeux en réfèrence aux modèles de comportements humains, chacun a tendance - dans la réalité - à maximiser sa satisfaction de manière fort individualiste. C'est là le grand point faible du Bâton sous l'apparence d'un redoutable esprit de corps : pour l'avoir vécu de l'intérieur par l'intermédiaire de mon simulacre actuel, ancien chef de la Compagnie de la Voulge, je puis témoigner d'une incroyable rivalité entre (i) détenteurs d'autorité chez les Templiers et (ii) sous-organisations entre elles en général. Sans pouvoir être formel à 100%, cela laisse augurer des luttes de pouvoirs et des compétitions intestines tant entre baillages ou assimilés qu'entre individus de haut rang. Attention ! Ils ne faut pas sous-estimer les hauts dignitaires templiers pour autant ; malgré les querelles de clocher qui les opposent, il s'agit là d'adversaires redoutables, formés à la stratégie militaire et à l'efficacité pratique.
A priori, parmi les pires Templiers on compte les Mages impies et tortionnaires, les Assassins (qui semblent se réserver pour les grandes occasions), les Chevaliers du Christ (originaires de Jérusalem me semble-t-il, c'est dire leur rang) et dans une moindre mesure les Chevaliers Teutoniques (moins raffinés, plus conventionnels mais tout aussi redoutables, notamment grâce à leur organisation, leur armement et leur force brute).
Quoiqu'ayant peu de théories sur les Templiers en général (leur structure pyramidale y est sans doute pour quelque chose, les secrets étant de mieux en mieux gardés au fur et à mesure de la montée vers le sommet), je formule pourtant ici une hypothèse audacieuse sur le compte de l'un d'eux. Il s'agit d'un certain De Angelis, manteau rouge de son état, que l'habitué de l'Incunable Souveraineté ne manquera pas de croiser au détour d'une visite impromptue. En lien avec des Nephilim, il s'adonne à des activités de récupération douteuses : à cet égard on peut se demander si De Angelis est un manteau rouge comme les autres. Mon hypothèse est que non, et que c'est peut-être un Sélénim.
L'EPEE
Les Mystes sont dangereux en tant que groupuscules (voire en tant qu'individus). A l'image de Tarquin, roi étrusque élu de Mithra, l'adepte Myste est soit un fou furieux, soit un psychopate pervers, ou encore un malade mental à l'ego démesuré. Son but : accéder à l'immortalité, tout simplement.
La force majeure de l'Epée est historique : concrétement, et sans entrer dans les détails, les Mystères, initiés par Prométhée, constituent sans doute la plus ancienne faction humaine occulte. En conséquence, ils disposent de rituels et d'artefacts puissants, et d'Orichalque en quantité. Là aussi, paradoxalement, il est clair que leur nombre les a grandement avantagés dans leur pratiques quotidienne. Peu nombreux, leurs sombres secrets et leurs objets maudits ont été conservés au fil du temps, passant de petits groupes d'initiés en petits groupes d'initiés. Cela dit, de notre point de vue, leur manque d'organisation reste salutaire. Leurs interventions lors de l'Apocalypse feront sans doute des dégâts considérables. Leur pouvoir est d'ordre mystique.
Les Mystères n'ont pas l'organisation tentaculaire du Temple. Divisés en cinq groupes suivant les points cardinaux (Midi, Orient, Occident, Septentrion, Zénith), ils présentent tous des comportements déviants (dégustation de Nephilim pour les uns, rituels sacrificiels morbides, nécromantie et satanisme pour les autres...). Les Mystères d'Isis me sont les moins connus, mais pour avoir rencontrer un Zénithécaire, je crois pouvoir affirmer que - chassant sur les mêmes Terres Livresques - ils me sont d'ores et déjà fort antipathiques. Tous adorent des Dieux antiques (Isis, Dionysos, Mithra, Appolon, Hécate, Cybèle, Déméter, Artémis), ce qui fait que selon moi, ils n'ont pas que des amis à l'Arcane V.
Il n'y a pas - structurellement parlant - de factions qui soient pires que les autres parmi les Mystes à mes yeux. Ils m'inquiètent tous beaucoup. Peut-être davantage encore quand j'expose quelques-unes de mes théories : (i) il existe un sixième groupement de l'Epée correspondant au Nadir, (ii) il existe des rapportsplus ou moins marqués entre Mystères et Sélénims.
(i) J'imagine ce dernier groupe - en référence à un arcane Nephilim à la lame mystérieuse - réunissant au centre de la Terre les Initiés parvenus à l'Illumination ou en voie de le faire. Cette hypothèse est en cohérence avec mes rencontres impromptues avec de grands initiés Mystes aux Enfers. Ainsi l'Hadès et ses Daïmons serait-il aux Mystes ce que l'Agartha est aux Nephilim. Cela expliquerait par ailleurs l'origine de leurs impressionnantes ressources en Orichalque : certains d'entre eux auraient en effet directement accès à un gisement fabuleux (voir à ce sujet l'hypothèse d'équilibre dans les Chemins d'Agartha). Enfin dernier argument : alors qu'à l'agonie je venais de défaire à l'épée le traître assassin du Roi aux Cinq Plaies, ce dernier, rendant son dernier souffle jugea les hommes indignes du Grâal et le lança aux entrailles de la Terre en s'écriant à son propos : "Qu'il rejoigne son géniteur !". Or la Coupe du Christ est aussi appelée "Joyau de Prométhée".
(ii) Sur ce point précis, il semble qu'outre leur intérêt commun pour la ville de Venise, certains mystes soient inféodés ou utilisés ou encore intéressés par les Sélénims. L'étude de sombres passages de l'histoire devrait m'en apprendre davantage (Culte du Sang, Prince de Tiffauges, voire sacrifices rituels pratiqués dans certaines civilisations). On peut par exemple émettre l'hypothèse que comme la majorité des mystes étudient nos moeurs et nos pratiques afin d'atteindre eux-mêmes l'immortalité, certains ont choisi d'étudier nos sombres cousins pour la même raison. Peut-être même certains Sélénims ont-ils su en tirer parti. La transformation en Sélénim d'une jeune Nephilim recueillie par mes soins après son passage entre les griffes des Mystères d'Occident accrédite un peu plus cette hypothèse générique de trouble collusion.
Les R+C, Le denier
Je sais très peu de choses de ces arcanes mineurs. Simplement, ma route a croisé un jour celle d'un Rose+Croix et j'ai déduit de cette troublante rencontre que ces Initiés manipulaient une magie peu ordinaire, sans doute de type psychique, peut-être à base de Ka-Soleil (à base de quoi, sinon ?). Cela dit, le comportement de l'individu en question m'a paru relativement peu agressif au regard des pratiques templières. Il s'est d'abord contenté de nous neutraliser, de façon peu confortable d'ailleurs, puis après sa capture, nous a échappé mystèrieusement. Quoiqu'il semble que les R+C existent depuis fort longtemps, leur discrétion est absolument déroutante ; pour tout dire, je crois en savoir savoir davantage des Sélénims...
Quant à la Synarchie, j'estime avoir rencontré certains de ces adeptes en Europe au cours de soirées occultes un peu mondaines. D'aucuns pensent que l'apparition du Denier a coïncidé avec celle des premiers gouvernements des sociétés humaines et que ses dignitaires sont des gens d'importance, influents et forts riches, mais c'est bien tout ce que je puis en dire.
Dans l'état actuel de mes faibles connaissances, je gagerais que les R+C sont des mystiques qui cultivent le secret et aspirent à un ésotérisme profond, alors que les Francs-Maçons, sans renoncer à l'attrait de la Connaissance, s'orienteraient davantage vers une problématique exotérique basée sur l'exercice du pouvoir politique, social et financier. Mais sans doute ne s'agit-il là que de grossières caricatures.
Les SELENIM
Les Sélénims sont des êtres sombres et inquiètants. Mais malgré le comportement terriblement malsain de la majorité d'entre eux, je persiste à croire qu'il s'agit là d'êtres qui souffrent et paient de leur solitude quotidienne le tribut trop lourd d'un sacrifice historique et d'un sombre choix qu'ils n'ont pas toujours eu. Car si la Lune Noire porte en elle la dégénérescence et la mort, elle n'en est pas moins finalement qu'un des plateaux de la Balance Cosmique. Ainsi, quoique la tendance au mal, à la perversité et à la dépravation soit naturellement associée cet environnement, et que cette voie soit en effet choisie par l'essentiel de ses Condamnés, par dépit, par colère ou par lassitude, je pense que sans doute, par delà les sombres horreurs de ceux-ci, fatigués de combattre leurs démons, par delà le cynisme qui tient ceux-là debouts, il existe d'autres êtres qui parvinrent au fil des siècles à résister à l'appel insidieux de leur nature, du vice, du sang, de la colère et de la vengeance et surent trouver dans l'absolu désespoir du silence des cimetières et les reflets mélancoliques des lueurs de lune la beauté.
Il leur sera de toutes façons sans doute toujours terriblement cruel et profondément inacceptable de voir leurs anciens frères, ingrats sauvés de l'Orichalque par leur obscur sacrifice, mais toujours rayonnants des mille feux des cinq éléments. N'est-ce pas là la souffrance la plus profonde du Sélénim que de côtoyer un pentacle châtoyant, sachant que le sien lui a échappé à jamais ? Car nos sombres Cousins ont renoncé à leur stase millénaire, à la clarté de la Sapience qui nous anime, accepté l'exigence terrible de connaissances maudites, l'oubli de la Quête ennivrante du Royaume d'Agartha. Nous autres Nephilim avons déjà oublié le sens de leur sacrifice et ce que nous leur devons.
Pas moi.
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